Le musée /
Histoire

Le Musée Morsbroich fut officiellement inauguré le 27 janvier 1951. Il s'agissait de la première fondation d'un musée d'art contemporain dans la toute jeune République fédérale d'Allemagne. Le maire suppléant de Leverkusen, l'administrateur de district Wilhelm Dombois, résuma à cette occasion les délibérations du conseil et de la Commission des arts spécialement constituée de cette manière:

« La ville de Leverkusen a eu la possibilité de louer pendant 20 ans le château de Morsbroich, riche en art et en histoire, appartenant au baron von Diergardt, à des fins exclusivement culturelles. La partie principale de ce château est occupée par le musée municipal, pour lequel les travaux préparatoires ont déjà été effectués et un conseil d'administration a été mis en place. Le conseil d‘administration s'est donné pour tâche d'organiser (...) des expositions permanentes d'artistes vivants, donnant à tous les courants artistiques sans préjugés ni préférence unilatérale, une occasion unique de montrer leurs talents et de faire face aux critiques d'art et au public. »
Ces paroles furent utilisées afin d‘élaborer la « Loi fondamentale » du musée de Morsbroich, qui fut réaffirmée par la Commission pour la culture en décembre 1952, conférant à Morsbroich une position légendaire en tant que foyer d'art jeune, expérimental et pionnier.

Ce que l’on ne peut plus imaginer aujourd’hui : après les douze années d’appauvrissement artistique ayant caractérisé la période du national-socialisme, la vie culturelle rhénane se joua tout d‘abord en privé. À Alfter, près de Bonn, la Donnerstagsgesellschaft (Société du jeudi) organisa par exemple de 1947 à 1950 des expositions, des conférences, des discussions et des concerts - également dans les salles d'un château baroque. Avec l'ouverture du musée Morsbroich, Leverkusen prit donc la tête d'un mouvement culturel visant à rétablir institutionnellement la modernité ostracisée et à recevoir des suggestions pour une coexistence démocratique de l'art contemporain. L’invention de l’exposition mondiale d’art documenta de 1955 reposa précisément sur ce concept de rattrapage des années perdues et sur un regard visionnaire de l’avenir.

Expositions du musée Morsbroich

 

Jusqu'en 1986, la Rhénanie du Nord-Westphalie ne comptait que deux musées consacrés à l'art contemporain : les musées d'art de Krefeld et le musée Morsbroich de Leverkusen. Grâce à leur orientation particulière, les villes de Krefeld et de Leverkusen attirèrent des visiteurs bien au-delà des frontières de l’État fédéral.

Déjà à l'époque de la direction d'Udo Kultermann (de 1959 à1964), puis sous la direction de Rolf Wedewer (de 1965 à1995), le musée de Morsbroich organisa de nombreuses expositions légendaires qui consolidèrent la réputation de Leverkusen en tant que ville musée. En 1960, Udo Kulterman présenta la première exposition muséographique au monde consacrée à la « peinture monochrome ». Il organisa, du 5 au 7 mai 1961, les « Morsbroicher Kulturtage »(Journées culturelles de Morsbroich) avec la participation de Theodor W. Adorno, Max Bense, Helmut Heissenbüttel, pour ne citer qu‘eux. En 1962, Kultermann organisa la première rétrospective de l'œuvre de Lucio Fontana. En 1963, le jeune architecte Oswald M. Ungers fut nommé conservateur à Leverkusen, il dirigea la reconstruction et la rénovation du musée au début des années 1980. Entre autres choses, Rolf Wedewer fit de l’année 1969 une année d’exposition inoubliable en présentant « Konception – Conception », la première exposition muséographique au monde consacrée à l’art conceptuel, qui domine toujours la production artistique, ainsi que l’exposition « Räume – environments » (Espaces – environnements) à l’occasion de laquelle le château de style baroque fut transformé en un parcours conçu par des artistes.

En 1986, le paysage muséographique de la Rhénanie du Nord-Westphalie changea radicalement : à Düsseldorf, la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen (Collection artistique de Rhénanie du Nord-Westphalie) inaugura son nouveau bâtiment à la périphérie de la vieille ville, très fréquentée, et la ville de Cologne construisit en l’honneur du couple de collectionneurs Peter et Irene Ludwig un nouveau bâtiment représentatif à proximité immédiate de la cathédrale et de la gare principale. Les deux bâtiments furent, tout comme le musée Abteiberg de Mönchengladbach, inaugurés en 1982, et consacrés à l'art classique moderne et contemporain.

Programme du musée Morsbroich


1. Curt Schweicher (1951-1958)

Naturellement, le programme du musée dépendit considérablement des responsables respectifs de l'institut depuis sa création. En tant que premier directeur, Curt Schweicher (1951-1956) appliqua énergiquement les directives du Conseil et de la Commission des arts et établit son programme autour de trois piliers :
1. Artistes rhénans et associations d'artistes tels que « Rheinische Sezession Düsseldorf » (1951) (Sécession rhénane de Düsseldorf), « Xaver Fuhr – Aquarelle » (1952), « Bergische Kunstgenossenschaft Wuppertal » (Association coopérative artistique de Wuppertal) (1952), « Anton Raederscheidt. Ölgemälde, Aquarelle, Zeichnungen 1922 – 1952 » (Peinture à l'huile, aquarelles, dessins 1922-1952) (1952), « Werkkunstschule Krefeld » (École d’Arts appliqués de Krefeld) (1955) ou encore « F.M. Jansen »(1955)

2. Art provenant d'autres pays, tels que « Schweizer Graphik der Gegenwart » (Graphisme suisse de la période contemporaine) (1951), « Englische Lithos und Monotypien » (Lithographies et monotypes anglais) (1953), « Industrie und Handwerk schaffen neues Hausgerät in USA » (L’industrie et l’artisanat créent de nouveaux appareils ménagers aux États-Unis) (1953), « Das neue Bauen in Holland » (La nouvelle construction en Hollande) (1953), « Fantastische Basler Malerei » (Fantastique peinture bâloise) (1955), « Brasilien baut »(Le Brésil bâtit) (1956) ou « Italienische Malerei heute » (La peinture italienne de nos jours) (1956)

3. Art du modernisme classique tel que « Vom Impressionismus bis zur Malerei der Gegenwart. Eine Wanderausstellung von Reproduktionen. Veranstaltet von der UNESCO » (De l'impressionnisme à la peinture contemporaine. Une exposition itinérante de reproductions. Organisée par l'UNESCO) (1951), « Deutsche Kunst des 20. Jahrhunderts aus der Sammlung Haubrich » (Art allemand du 20ème siècle de la collection Haubrich) (1953), « Oskar Moll » (1954), « Fernand Léger » (1955) ou « Robert Delaunay » (1956)
L'exposition la plus importante sous l'égide de Curt Schweicher peut être considérée comme une exposition dans laquelle les trois aspects de son programme se rencontrent :  Ausgewanderte Maler (Les peintres émigrés) (1955).

Curt Schweicher lui-même décrit les raisons pour lesquelles il a réalisé cette exposition :
« Beaucoup d’amateurs d‘art ont voulu voir au moins une fois côte à côte les artistes qui avaient quitté l'Allemagne au moment où leur art en Allemagne était miné et leur vie mise en danger, ou que ce soit à une autre époque, l'envie d'expansion de l'artiste lui ayant permis de visiter d'autres pays et métropoles“. (...).
Parmi eux, il y a aussi des artistes d'origine non allemande pour qui l’Allemagne était soit un pays de transit, soit un pays de choix, qu’ils ont volontairement abandonné ou ont dû abandonner. Ainsi, l’exposition rappelle une vie artistique allemande florissante d’antan, une vie artistique allemande très réceptive, pour laquelle l’internationalité du Bauhaus pourrait être un symptôme et un symbole de son enthousiasme artistique face à la question de l’origine nationale. »

Avec cette exposition, Curt Schweicher approfondit une fois de plus l'esprit fondateur des habitants de Leverkusen, l’utilisation du musée comme un signe contre la barbarie des nationaux-socialistes et leur suppression de l'art moderne. La vente d’œuvres d’art provenant de musées publics et la pression propagandiste et finalement physique exercée sur les artistes, les collectionneurs et le personnel des musées, qui ont entraîné la perte de biens culturels exceptionnels ainsi que l’expatriation et l‘assassinat d’artistes : le musée Morsbroich est un rempart contre la dictature, ceux qui l’ont incarnée et qui ont également méprisé l’homme et l’art.

2. Udo Kultermann (de 1959 à 1964)

« Le musée Morsbroich veut rendre à l'art la place qu’il avait depuis longtemps perdue au sein de la communauté, ce qui revient à démolir les murs du musée. Car il est absurde de croire qu’un musée n‘existe que pour lui-même ; il a plutôt des fonctions identifiables au sein de la communauté. L'art n'est pas seulement là pour l'art. Du point de vue de l’art contemporain, qui doit être libéré du chaos de l’absence d’art, qui est aussi un art, Morsbroich veut essayer de rendre efficace une nouvelle responsabilité pour l’ordre et l’harmonie, de nouvelles lois et normes, une nouvelle dynamique et un nouveau rythme à travers les œuvres de jeunes artistes ainsi que pour tous ceux qui sont également intéressés par l'harmonisation de l'homme et de son environnement, des personnes entre elles et de leur interaction avec le cosmos. Il s’agit ici, comme dans les sphères sociales et politiques, de dépasser les frontières solidifiées, de dépasser les obstacles entre ces divers domaines, de réintégrer l’art dans la réalité de nos événements quotidiens. »

Au cours des cinq années de sa direction (1959-1964), Kultermann a montré, entre autres, à l'architecte, artiste et designer suisse Max Bill, qui, en tant qu'enseignant à la Haute école d'arts appliqués de Zurich et l'un des fondateurs de la Ulmer Hochschule für Gestaltung (École supérieure de design d'Ulm), plaida en faveur d’un statut de l‘artiste politiquement et socialement illimité. - L'exposition légendaire « Monochrome Malerei » (Peinture monochrome), avec laquelle Udo Kultermann présenta pour la première fois le concept d'un « art naïf » au printemps 1960, était « l'expression indicative d'une vision de notre société qui se projette au-delà de l'art ».  Et l’artiste frontalier Lucio Fontana, qu'Udo Kultermann mit à l‘honneur du 12 janvier au 4 mars 1962 en présentant la plus grande rétrospective de son œuvre au musée Morsbroich.

Il présenta en outre « Roberto Crippa » (1960), l'exposition « Ad Reinhardt, New York, - Francesco Lo Savio, Rom, - Jef Verheyen, Antwerpen » (New York, Rome, Anvers) ; En 1961, il présenta une exposition sur « l'architecture mobile » organisée par Yona Friedman. La même année, il organisa les « Morsbroicher Kunsstage » (Journées de l'art de Morsbroich) interdisciplinaires avec la participation de Theodor W. Adorno, Max Bense, Otto Mauer, Umbro Appollo-nio, Heinz-Klaus Metzger, la danseuse Kaluza, Frei Otto, Norbert Kricke, Gerhard v. Chr. Graevenitz et Helmut Heissenbüttel, Franz Mon et Hans G. Helms. En 1962, il présenta pour la première fois après la Seconde Guerre mondiale, la grande rétrospective sur Kasimir Malevich, initiée par le Stedelijk Museum d‘Amsterdam, avec laquelle l‘œuvre du suprématiste russe fut rendue à la conscience d'un public plus large. En 1962, Kultermann organisa une grande exposition sur le constructivisme et il présenta en 1963 « Die gläserne Kette. Visionäre Architekten aus dem Kreis um Bruno Taut 1919–1920“, (La Chaîne de verre. Des architectures visionnaires réunis autour de Bruno Taut 1919-1920), dont la mise en œuvre lui permit d’embaucher le jeune Oswald Mathias Ungers. En 1964, alors que se profilait sa retraite, il présenta, entre autres, les dessins du réalisateur soviétique Sergei Eisenstein et, à cette occasion, endossa le rôle de critique de ses films.

Cette approche interdisciplinaire stricte qui avait pour objectif un changement fondamental de la société, a souvent suscité des incompréhensions parmi la population. Le statut extraordinaire de ce directeur ne fut pleinement reconnu que rétrospectivement.

3. Rolf Wedewer (1965 – 1995)

En 1965, Rolf Wedewer prit ses fonctions à Leverkusen de manière beaucoup plus offensive que son prédécesseur, avec pour objectif d’ouvrir le débat public le plus controversé possible. Wedewer présenta des expositions thématiques telles que « Realismus der Symptome » (Réalisme des symptômes) (1966), « Tradition und Gegenwart » (Tradition et contemporanéité) (1966), « Fetisch-Formen » (Formes fétiches) (1967) et « Fetisch Jugend. Tabu Tod » (Jeunesse fétiche. Mort tabou) en 1972. Parmi les points culminants de son exposition figurent les expositions « Konception – Conception » et « Räume – environments » (Espaces – Environnements), présentées en 1969.
Pendant le mandat de Rolf Wedewer, le château fut entièrement rénové par le célèbre architecte originaire de Cologne, Oswald Mathias Ungers (1981-1985). Wedewer profita de la réouverture pour exposer une brillante juxtaposition de sculptures égyptiennes et modernes (1986).

4. Susanne Anna et Gerhard Finckh (de 1995 à 2006)

Alors que Curt Schweicher, Udo Kultermann et Wedewer adoptaient de fortes approches programmatiques, Susanne Anna (1995-1999) et Gerhard Finckh (2000-2006) restèrent plus ouverts dans leur programme. Anna souligna ponctuellement l'importance du mouvement Informel chez Wedewer, ainsi que son intérêt pour les expositions thématiques controversées. Gerhard Finckh tenta également d'intégrer le modernisme d'après-guerre grâce à des artistes exceptionnels tels qu'Andy Warhol et Robert Motherwell et chercha à collaborer avec des collectionneurs privées (« Darlings : Bilder und Skulpturen aus privaten Sammlungen », 2001 ; « Franz von Lenbach und die Kunst heute », 2005).   (Darlings : Tableaux et sculptures provenant de collections privées, 2001 ; Franz von Lenbach et l’art aujourd‘hui), 2005). La collaboration journalistique fructueuse avec l'éditeur Alfred Neven DuMont, dont la collection de peintures de Franz von Lenbach fut exposée par Finckh en 2004 dans le cadre de l'exposition « Franz von Lenbach und die Kunst heute » (Franz von Lenbach et l’art aujourd‘hui), ainsi que la relation avec l’exposition horticole de Leverkusen, en 2005, furent particulièrement bien accueillies.

5. Markus Heinzelmann (depuis 2006)

Markus Heinzelmann dirige le musée depuis 2006. Historien de l'art ayant suivi une formation classique, il apporte avec lui des expériences de la fonction publique (Musée Sprengel de la ville de Hanovre, 1996-1999) et du secteur privé (CO Siemens AG 1999-2006). En ce qui concerne le musée Sprengel, il a organisé des expositions dans les domaines du modernisme classique et de l'art contemporain. En coopération avec des musées publics et des galeries d'art, il a réalisé pour Siemens AG des expositions thématiques sur l'art contemporain, spécialement adaptées à l'histoire et à la localisation des institutions partenaires.
Sur la base de ces expériences et qualifications, il a développé un programme distinctif spécialement conçu pour le musée Morsbroich, sur le site de Leverkusen. 

Extension des institutions de Morsbroich

L'organisation des institutions de Morsbroicher, en particulier l'interaction entre le musée et le Kunstverein (Société d’art), n'était pas satisfaisante en 2006, car l'autonomie et le profil des institutions individuelles étaient confus. Par exemple, le Kunstverein et le musée Morsbroich ont utilisé la galerie d'ateliers située dans le bâtiment annexe sud.  En raison de son utilisation partagée, il était difficile de donner au Kunstverein une image programmatique claire de son activité. À l‘inverse, les expositions du musée installées dans la galerie d‘ateliers étaient souvent attribuées par le public et destinées non au musée, mais au Kunstverein.
Par ailleurs, dans le bâtiment principal du château, la mansarde fut presque complètement abandonnée pour l'exposition, car elle servait de dépôt et était en grande partie négligée. Seules deux salles annexes et demi ont été utilisées pour la présentation d'une coupe transversale du domaine de Ludwig Gies, qui y est exposée depuis 1997 et n’a subi aucun changement.
Afin de renforcer substantiellement les deux institutions et de rendre leur présence programmatique plus reconnaissable, rendez-vous fut pris en 1997 avec le Kunstverein pour organiser un programme annuel complet dans les salles du bâtiment annexe sud. Dans le même temps, la mansarde du château fut débarrassée et rénovée. Grâce à cette extension, le musée a gagné environ 40% de la surface d’exposition, qui a depuis été utilisée comme salle dédiée à l’art graphique.
Heinzelmann put ainsi concrétiser une préoccupation centrale de sa politique muséographique : un engagement plus intense dans la collection du musée Morsbroich et sa présentation au public de Leverkusen. Depuis sa rénovation, la salle dédiée à l’art graphique a accueilli la moitié de la présentation de jeunes promotions expérimentales dans le domaine des arts graphiques, tandis que l'autre moitié de l'année, le lieu est affecté à des présentations de collections.
L’évidence fut indiscutable lors de l'inauguration de la salle dédiée au graphisme en janvier 2008, lorsque la « Meisterwerke der Grafischen Sammlung des Museum Morsbroich » (Chefs-d'œuvre de la collection graphique du musée de Morsbroich) fut présentée pendant les trois jours de l'exposition intitulée « Blattgold » (Feuille d’or). Le musée a publié un vaste catalogue documentant scientifiquement la collection graphique du musée qui complète cette exposition.
Dans le même temps, Heinzelmann a soigneusement élargi le parc du palais avec des sculptures spécifiques au site afin de permettre aux visiteurs de Leverkusen ou de la région de Morsbroich de vivre une expérience artistique « sans entrée payante ». Depuis l'année 2010, la fontaine de l'artiste danois Jeppe Hein (« Water Island Morbsroich ») offre aux enfants, adolescents, jeunes mariés, touristes et randonneurs un jeu d'eau inoubliable.
Dès le début, Heinzelmann a suivi un concept qui valorise l’emplacement de Morsbroich dans son intégralité. Les institutions résidentes telles que le Kunstverein, le musée, la boutique du musée, la salle donnant sur le jardin, le restaurant, le bureau de l'état civil, mais aussi le parc en tant que destination de loisirs devraient être synonymes de puissance une fois l’extension achevée, faisant de Morsbroich une destination attrayante pour les habitants de Leverkusen et ses visiteurs. Selon des estimations prudentes, 40 000 visiteurs se rendent chaque année dans la région de Morsbroich.

Les trois piliers du travail programmatique du musée de Morsbroich :la collection du musée ─ l'histoire du musée - le lieu comme point de départ des expositions

À côté du musée Morsbroich, les musées de villes telles que Cologne, Düsseldorf ou Essen jouissent maintenant d'un avantage écrasant en raison de leur emplacement et de leurs ressources financières toujours élevées. Par le passé, leurs responsables ont investi des sommes en comparaison plus importantes dans la construction et l’expansion de leurs collections, de leur équipement, de leurs nouveaux bâtiments, etc. Les municipalités ont mis en place des infrastructures de transport adaptées à la culture. Elles disposent de ressources développées au cours des décennies dans le domaine du marketing urbain et promeuvent d'autres offres touristiques qui soutiennent financièrement celle des musées. En outre, les habitants de ces villes ont une image d’eux-mêmes plus prononcée en tant que citoyens de leur ville et se tournent plus activement vers les points de cristallisation possibles de la confiance en soi urbaine, de la fierté civique et de l'identification.
Compte tenu du fait qu'il sera difficile de remédier dans un avenir proche au portefeuille d'investissements par rapport à des municipalités comparables ou plus grandes que Leverkusen, Heinzelmann a dès le début de son mandat insisté sur la particularité de Morsbroich. Morsbroich est historiquement (les preuves de son existence remontent à 1220), architecturalement (avec des bâtiments dont la création va du 17ème au 19ème siècle) et de par l’histoire de l’art qui le caractérise, un lieu exceptionnel situé près de la ville encore jeune qu’est Leverkusen. C’est ici que se réunit la société civile pour honorer ou célébrer l’importance urbaine et pour s’assurer d’une offre muséographique spéciale, avec son histoire et ses particularités. Les habitants de Leverkusen ne considèrent pas Morsbroich comme une simple partie de leur ville, il n’y a donc aucune rivalité profonde entre les diverses municipalités.

À Morsbroich, il n’est pas possible de réaliser des « White-Cube-Ausstellungen » (Expositions de cube blanc) classiques (expositions dans une salle neutre spécialement construite à cet effet). De plus, les salles baroques avec leurs fenêtres à claire voie, les plafonds en stuc et les nombreuses ouvertures de portes manquent d’une certaine retenue. C'est pourquoi le musée Morsbroich propose un concept axé sur des expositions mettant particulièrement l'accent sur le lieu de l'exposition, en termes d‘argument de vente unique : autant d'expositions que possible doivent être présentées exclusivement à Leverkusen ou, du moins, particulièrement à Leverkusen.
Environ la moitié des expositions présentées à Morsbroich depuis 2006 se réfèrent donc explicitement au site en tant qu’espace architectural ou social, à l’histoire du musée et à ses liens avec des artistes spécifiques, ou directement à la collection qu’abrite le bâtiment.

1. Le lieu comme point de départ pour des expositions

Le château sert régulièrement de point de départ pour le musée et ses expositions thématiques.  L’histoire privilégiée du bâtiment et de ses habitants ainsi que son architecture, le caractère unique de la situation de Leverkusen sont mis à l'honneur par ses responsables : on rencontre un bâtiment où foisonnent un caractère, des expériences et des particularités qui sont à même de répondre aux besoins de la population et permettent aux habitants et visiteurs de la ville de se rencontrer dans un lieu où se mélangent l’art et l‘histoire.

Exemples:
• Personal Affairs. Neue Formen der Intimität (2006)
• Ann Veronica Janssens. An den Frühling (2007)
• PROJECTS: DONE. Eine Ausstellung von Candida Höfer mit Kuehn Malvezzi (2009)
• Frauenzimmer (2011)
• Rosemarie Trockel / Paloma Varga Weisz. Maison de Plaisance (2012)
• Zeitgespenster. Erscheinungen des Übernatürlichen in der zeitgenössischen Kunst (2012/2013)
• Thomas Grünfeld – homey. Werke von 1981 bis 2013 (2013)
• Zilla Leutenegger. 13 Räume – Eine Biografie in Kleidern (2013/2014)
• Jäger & Sammler in der zeitgenössischen Kunst (2014)
• Jana Gunstheimer (2015/2016)

3. La collection comme point de départ pour des expositions / expositions de collections

Bien que la ville de Leverkusen suspende l’acquisition du musée Morsbroich depuis 2004, sa propre collection est souvent au centre des activités d’exposition. Avec environ 600 œuvres dans le domaine de la peinture et de la sculpture et 4 000 œuvres graphiques, c’est une collection relativement modeste. En plus des présentations classiques uniques et des expositions récapitulatives, le musée est axé sur des thèmes particuliers comme par exemple la magie en tant qu'élément de jonction des objets de collection ou le traitement de la collection par des artistes tels que Jan Albers et Jens Ullrich.

Exemples:
• VIP III. Arena der Abstraktion (2006)
• Blattgold. Meisterwerke der grafischen Sammlung des Museum Morsbroich (2008) und Georg Baselitz (2008)
• Jan Albers & Jens Ullrich: Kollekte (2009)
• Alfred Hrdlicka. Wie ein Totentanz (2010)
• Fred Sandback. Zeichnung, die man bewohnen kann (2011)
• Hans Salentin. Collagen mit Papier und Metall (2013)
• Eine Handvoll Erde aus dem Paradies. Magische Objekte aus dem Museum Morsbroich (2013/2014)
• Blinky Palermo. Das Grafische Werk (2014/2015)
• Le musée Morsbroich entretient par ailleurs une coopération exemplaire avec la Wiesdorfer Christuskirche de Leverkusen, qui a rendu accessibles les expositions de 2011 et 2014 des œuvres de Rudolf Schoofs et Franz Hitzler, issues de la collection du musée de la population de Leverkusen (Museum der Leverkusener Bevölkerung).

4. L'histoire du musée comme point de départ pour des expositions

La mission première du musée de Morsbroich en 1951 était « d’organiser des expositions permanentes d’artistes vivants ». Cependant, après plus de 60 ans d’exposition ininterrompue, il est clair que le musée a abrité une multitude d’expositions dont la portée est historique. Le musée commémore aujourd’hui cette histoire, non seulement pour mettre en valeur le statut de la ville en tant que symbole culturel de l'innovation et du progrès, mais également pour élaborer l'élan de Leverkusen pour l’art contemporain.

Exemples :
• Le théâtre est dans la rue. Les happenings de Wolf Vostell (2010)
• Keramische Räume. Lucio Fontana, Norbert Prangenberg, Thomas Schütte, Rosemarie Trockel, Markus Karstieß (2014)
• More Konzeption Conception Now (2015)

Le programme de Morsbroich vu par les autres
Avec son modèle axé sur trois piliers, le musée Morsbroich s‘attaque en détail à sa propre collection, au site en tant que point de référence architectural et social et de son histoire. Le Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a reconnu cette approche dès 2009 dans un article de plusieurs pages sur la question du traitement contemporain des collections (12/12/2009). Sous la rubrique « Zwischen Wunderkammer und Mausoleum » (Entre cabinet de curiosité et mausolée), l'auteur a exposé le problème : « Le critère de succès et l'argument en faveur d'une aide de l'État est et reste le nombre de visiteurs. Quand il diminue, que la collecte stagne et que les anciennes collections ne peuvent être ni vues ni restaurées, le musée est transformé en un mausolée. (...) Ne vaudrait-il pas mieux, au lieu d‘ investir dans de nouveaux bâtiments spectaculaires et des événements éphémères, préserver les vieux musées partiellement en ruine, avec leurs collections et leurs bibliothèques ?  Quelles solutions peut-on préconiser ? »
L'auteur mentionne trois institutions et un réseau en Allemagne qui traitent de manière idéale ces problèmes, le Städel Museum de Francfort, le Staatliche Museen zu Berlin et le Ruhrkunstmuseen qui font partie d’une union composée au total de 20 musées et du musée Morsbroich de Leverkusen : « Quelques directeurs de musées expérimentés démontrent de quelle manière cela pourrait fonctionner. Markus Heinzelmann, par exemple, crée des ponts significatifs entre des œuvres d'art contemporaines et des œuvres issues de sa collection personnelle et de musées lors d'expositions temporaires et a convaincu le jury du Kunstkritikerverband (Association internationale des critiques d’art), qui a élu le musée de Morsbroich (près de Leverkusen) Musée de l’année 2009 «

Distinctions et prix
La qualité des expositions et le traitement spécial de la collection, l‘emplacement et l'histoire de Morsbroich ont suscité beaucoup d'attention au niveau national. Pour la première fois en plus de 60 ans, le musée de Leverkusen et le travail qui y est effectué, a reçu de nombreuses distinctions au cours des dernières années.

1. Exposition de l’année dans la région Rhénanie du nord-Westphalie en 2008
La distinction remise au titre de l'Exposition de l'année (WamS), décernée chaque année par un jury d'experts de haut niveau, est considéré comme le prix le plus important attribué aux musées de la région Rhénanie du Nord-Westphalie. En 2008, l'exposition organisée par Markus Heinzelmann, Gerhard Richter. „Übermalte Fotografien“ (Gerhard Richter. Photographies repeintes) a été élue Exposition de l'année. Elle a été organisée en étroite collaboration avec l'artiste vivant à Cologne et a présenté un total de 500 œuvres exposées, avec un genre jusqu'alors presque inconnu dans l'œuvre de Gerhard Richter. La coopération avec le musée Ludwig de Cologne a été révolutionnaire dans ce contexte. Le musée Morsbroich et le musée Ludwig avaient convenu au préalable de synchroniser leurs deux expositions lors de cette exposition - à Cologne, Richter a présenté une rétrospective complète de son œuvre - afin que la presse puisse y prendre part et que le marketing qui en a découlé puisse profiter aux uns comme aux autres.

2. Musée de l’année en Allemagne en 2009
En 2009, le Musée Morsbroich a été élu « Musée de l'année en Allemagne » par le Kunstkritikerverband (Association internationale des critiques d'art (aica)). Il s’agit de la plus haute distinction qu'un musée allemand puisse recevoir. Le jury a déclaré : « En prenant pour exemple deux expositions récemment réalisées, les « Overpainted Photographs » de Gerhard Richter et « Projects: Done », une rétrospective complète avec des photographies de Candida Höfer,  a permis de faire apparaître des expositions d‘un niveau  remarquablement élevé à Leverkusen.
De façon exemplaire et malgré l’hétérogénéité de l’offre, un pont a été créé entre la collection personnelle et le programme de l’exposition, permettant ainsi au public de suivre avec la plus grande attention les courants artistiques les plus actuels tels que l’Informel, le happening et le décollage, la sculpture moderne ou la photographie nouvelle.
Le jury a été convaincu à la fois par la politique de collecte cohérente et très indépendante et par la série d'expositions de grande qualité du musée Morsbroich, accompagnées de catalogues préparés de manière scientifique. »

3. Remise du prix Justus Bier pour les conservateurs à Doreen Mende et à Markus Heinzelmann pour l'exposition « PROJECTS: DONE. Eine Ausstellung von Candida Höfer mit Kuehn Malvezzi“ (PROJECTS: DONE. Une exposition de Candida Höfer avec Kuehn Malvezzi) 2010
Le seul prix allemand récompensant les conservateurs fut attribué à Leverkusen au cours de sa deuxième année d’existence, en 2010.
« Le prix récompense les travaux de jeunes conservateurs originaires de pays germanophones qui ont démontré une compréhension particulière de l'art des 20ème et 21ème siècles. Le prix est décerné pour la qualité linguistique et professionnelle exceptionnelle des textes de catalogue ou pour une performance éditoriale particulièrement réussie lors d'une production de catalogue. (...) Justus Bier (1899-1990) fut directeur de la Kestner Gesellschaft (Société Kestner) à Hanovre de 1930 à 1936. Étant juif, les nazis exigèrent à plusieurs reprises sa révocation et l‘interdiction de son programme, dédié à l'art moderne.
Justus Bier ne modifia toutefois pas son programme et ne fut pas renvoyé par le conseil d’administration de la Kestner Gesellschaft. Suite à son exposition Franz Marc en 1936, l'institut fut fermé par la Gestapo. » (Autoreprésentation)

4. Meilleur programme d’exposition dans la région Rhénanie du nord-Wesphalie 2015 (WamS)

Le musée, ambassadeur de la ville de Leverkusen

Le travail à Morsbroich est étroitement suivi et évalué par la presse régionale et surtout nationale. En raison du grand nombre de distinctions, de la réaction positive au programme profilé de Leverkusen et de la couverture dense des expositions, une image exceptionnellement positive de Leverkusen en tant que lieu d’art contemporain se développe. Morsbroich devient ainsi un lieu à ne pas sous-estimer dans la promotion du marketing urbain de la ville de Leverkusen. Alors que la couverture du site chimique de Leverkusen ou plus précisément de Leverkusen en tant que ville sportive est parfois teintée de critiques, donnant ainsi une image ambivalente, les reportages nationaux sur le musée de Morsbroich sont presque sans exception positifs.

Une recherche qualifiée sur Internet des pages publiées concernant les activités culturelles les plus célèbres de Leverkusen confirme la grande portée du musée Morsbroich en ce qui concerne la promotion marketing de la ville:

« Leverkusener Jazztage » (Journées jazz à Leverkusen) 178.000 résultats
« Museum Morsbroich » (Musée de Morsbroich) 127.000 résultats
« Sensenhammer » 36.000 résultats
« Forum Leverkusen » 32.700 résultats
« Bayer Kultur » (Culture Bayer) 15.000 résultats
« Japanischer Garten Leverkusen » (Jardin japonais de Leverkusen) 6.500 résultats
« Erholungshaus Leverkusen » (Maison de convalescence de Leverkusen) 4.800 résultats


Conclusions et perspectives

Il ne fait aucun doute que le musée Morsbroich est l’un des rares points de repère remarquables de l’identité de Leverkusen. Dans le cadre de ce que l’on nomme la KulturStadtLev (Association culturelle de la ville de Leverkusen), qui est notamment responsable de la gestion de la Gartensaal, manifestation représentative des organes démocratiques de la ville de Leverkusen, de ses habitants et du musée, elle prend en compte les différents intérêts relatifs à la mission de regroupement de Leverkusen. Le fait est qu’en 1951, les jeunes habitants de la ville dédièrent le bâtiment à l’art contemporain, avec pour objectif de guérir les blessures du national-socialisme, ce qui revêt une signification décisive et significative. C’est ainsi qu’émergea un centre unique consacré à un art expérimental et international avec lequel la ville de Leverkusen a également réussi à écrire une histoire sociale et artistique.
Malgré ses caractéristiques modestes par rapport aux autres municipalités, le musée a pu conserver sa position unique jusqu'à ce jour, permettant ainsi à la ville de Leverkusen de bénéficier d'une grande attention culturelle. Au cours des dernières années, le musée a reçu une multitude de récompenses et de prix. Le musée élargit de manière décisive l'image d'une municipalité unidimensionnelle axée sur l'industrie chimique. Au sein de la population, le musée est un lieu où l’engagement civique est remarquable, notamment grâce à un engagement bénévole très développé et à une vie associative très marquée. En outre, le Museumsverein de Morsbroich e.V. acquiert pour la ville des dons importants provenant de donateurs privés, de fondations nationales ou, par exemple, de l'État de Rhénanie du Nord-Westphalie. Le musée s'est également imposé comme institution éducative majeure au sein de la ville, lui permettant de jouer un rôle de premier plan dans la responsabilisation des habitants les plus jeunes et des adultes, en dehors du cadre scolaire.

Le musée est devenu une destination attrayante pour les habitants de Leverkusen et leurs visiteurs. Environ 40 000 visiteurs par an bénéficient d'une gamme de services très variée, allant de l‘école maternelle à l'utilisateur de fauteuil roulant, du visiteur d’exposition au gastronome en passant par la politique, les affaires et la culture.

Le traitement du patrimoine de Morsbroich constitue un projet directeur pour la viabilité future de la ville de Leverkusen. Pouvez-vous donner à la « classe créative » (Richard Florida) et à tous les habitants de cette ville une patrie qui soit crédible? Le musée de Morsbroich est le lieu où toutes les générations, sexes, catégories sociales et groupes d'intérêts peuvent se rencontrer. Il est important de donner encore plus de pouvoir à ce lieu.

Le musée /
Histoire

Le Musée Morsbroich fut officiellement inauguré le 27 janvier 1951. Il s'agissait de la première fondation d'un musée d'art contemporain dans la toute jeune République fédérale d'Allemagne. Le maire suppléant de Leverkusen, l'administrateur de district Wilhelm Dombois, résuma à cette occasion les délibérations du conseil et de la Commission des arts spécialement constituée de cette manière:

« La ville de Leverkusen a eu la possibilité de louer pendant 20 ans le château de Morsbroich, riche en art et en histoire, appartenant au baron von Diergardt, à des fins exclusivement culturelles. La partie principale de ce château est occupée par le musée municipal, pour lequel les travaux préparatoires ont déjà été effectués et un conseil d'administration a été mis en place. Le conseil d‘administration s'est donné pour tâche d'organiser (...) des expositions permanentes d'artistes vivants, donnant à tous les courants artistiques sans préjugés ni préférence unilatérale, une occasion unique de montrer leurs talents et de faire face aux critiques d'art et au public. »
Ces paroles furent utilisées afin d‘élaborer la « Loi fondamentale » du musée de Morsbroich, qui fut réaffirmée par la Commission pour la culture en décembre 1952, conférant à Morsbroich une position légendaire en tant que foyer d'art jeune, expérimental et pionnier.

Ce que l’on ne peut plus imaginer aujourd’hui : après les douze années d’appauvrissement artistique ayant caractérisé la période du national-socialisme, la vie culturelle rhénane se joua tout d‘abord en privé. À Alfter, près de Bonn, la Donnerstagsgesellschaft (Société du jeudi) organisa par exemple de 1947 à 1950 des expositions, des conférences, des discussions et des concerts - également dans les salles d'un château baroque. Avec l'ouverture du musée Morsbroich, Leverkusen prit donc la tête d'un mouvement culturel visant à rétablir institutionnellement la modernité ostracisée et à recevoir des suggestions pour une coexistence démocratique de l'art contemporain. L’invention de l’exposition mondiale d’art documenta de 1955 reposa précisément sur ce concept de rattrapage des années perdues et sur un regard visionnaire de l’avenir.

Expositions du musée Morsbroich

 

Jusqu'en 1986, la Rhénanie du Nord-Westphalie ne comptait que deux musées consacrés à l'art contemporain : les musées d'art de Krefeld et le musée Morsbroich de Leverkusen. Grâce à leur orientation particulière, les villes de Krefeld et de Leverkusen attirèrent des visiteurs bien au-delà des frontières de l’État fédéral.

Déjà à l'époque de la direction d'Udo Kultermann (de 1959 à1964), puis sous la direction de Rolf Wedewer (de 1965 à1995), le musée de Morsbroich organisa de nombreuses expositions légendaires qui consolidèrent la réputation de Leverkusen en tant que ville musée. En 1960, Udo Kulterman présenta la première exposition muséographique au monde consacrée à la « peinture monochrome ». Il organisa, du 5 au 7 mai 1961, les « Morsbroicher Kulturtage »(Journées culturelles de Morsbroich) avec la participation de Theodor W. Adorno, Max Bense, Helmut Heissenbüttel, pour ne citer qu‘eux. En 1962, Kultermann organisa la première rétrospective de l'œuvre de Lucio Fontana. En 1963, le jeune architecte Oswald M. Ungers fut nommé conservateur à Leverkusen, il dirigea la reconstruction et la rénovation du musée au début des années 1980. Entre autres choses, Rolf Wedewer fit de l’année 1969 une année d’exposition inoubliable en présentant « Konception – Conception », la première exposition muséographique au monde consacrée à l’art conceptuel, qui domine toujours la production artistique, ainsi que l’exposition « Räume – environments » (Espaces – environnements) à l’occasion de laquelle le château de style baroque fut transformé en un parcours conçu par des artistes.

En 1986, le paysage muséographique de la Rhénanie du Nord-Westphalie changea radicalement : à Düsseldorf, la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen (Collection artistique de Rhénanie du Nord-Westphalie) inaugura son nouveau bâtiment à la périphérie de la vieille ville, très fréquentée, et la ville de Cologne construisit en l’honneur du couple de collectionneurs Peter et Irene Ludwig un nouveau bâtiment représentatif à proximité immédiate de la cathédrale et de la gare principale. Les deux bâtiments furent, tout comme le musée Abteiberg de Mönchengladbach, inaugurés en 1982, et consacrés à l'art classique moderne et contemporain.

Programme du musée Morsbroich


1. Curt Schweicher (1951-1958)

Naturellement, le programme du musée dépendit considérablement des responsables respectifs de l'institut depuis sa création. En tant que premier directeur, Curt Schweicher (1951-1956) appliqua énergiquement les directives du Conseil et de la Commission des arts et établit son programme autour de trois piliers :
1. Artistes rhénans et associations d'artistes tels que « Rheinische Sezession Düsseldorf » (1951) (Sécession rhénane de Düsseldorf), « Xaver Fuhr – Aquarelle » (1952), « Bergische Kunstgenossenschaft Wuppertal » (Association coopérative artistique de Wuppertal) (1952), « Anton Raederscheidt. Ölgemälde, Aquarelle, Zeichnungen 1922 – 1952 » (Peinture à l'huile, aquarelles, dessins 1922-1952) (1952), « Werkkunstschule Krefeld » (École d’Arts appliqués de Krefeld) (1955) ou encore « F.M. Jansen »(1955)

2. Art provenant d'autres pays, tels que « Schweizer Graphik der Gegenwart » (Graphisme suisse de la période contemporaine) (1951), « Englische Lithos und Monotypien » (Lithographies et monotypes anglais) (1953), « Industrie und Handwerk schaffen neues Hausgerät in USA » (L’industrie et l’artisanat créent de nouveaux appareils ménagers aux États-Unis) (1953), « Das neue Bauen in Holland » (La nouvelle construction en Hollande) (1953), « Fantastische Basler Malerei » (Fantastique peinture bâloise) (1955), « Brasilien baut »(Le Brésil bâtit) (1956) ou « Italienische Malerei heute » (La peinture italienne de nos jours) (1956)

3. Art du modernisme classique tel que « Vom Impressionismus bis zur Malerei der Gegenwart. Eine Wanderausstellung von Reproduktionen. Veranstaltet von der UNESCO » (De l'impressionnisme à la peinture contemporaine. Une exposition itinérante de reproductions. Organisée par l'UNESCO) (1951), « Deutsche Kunst des 20. Jahrhunderts aus der Sammlung Haubrich » (Art allemand du 20ème siècle de la collection Haubrich) (1953), « Oskar Moll » (1954), « Fernand Léger » (1955) ou « Robert Delaunay » (1956)
L'exposition la plus importante sous l'égide de Curt Schweicher peut être considérée comme une exposition dans laquelle les trois aspects de son programme se rencontrent :  Ausgewanderte Maler (Les peintres émigrés) (1955).

Curt Schweicher lui-même décrit les raisons pour lesquelles il a réalisé cette exposition :
« Beaucoup d’amateurs d‘art ont voulu voir au moins une fois côte à côte les artistes qui avaient quitté l'Allemagne au moment où leur art en Allemagne était miné et leur vie mise en danger, ou que ce soit à une autre époque, l'envie d'expansion de l'artiste lui ayant permis de visiter d'autres pays et métropoles“. (...).
Parmi eux, il y a aussi des artistes d'origine non allemande pour qui l’Allemagne était soit un pays de transit, soit un pays de choix, qu’ils ont volontairement abandonné ou ont dû abandonner. Ainsi, l’exposition rappelle une vie artistique allemande florissante d’antan, une vie artistique allemande très réceptive, pour laquelle l’internationalité du Bauhaus pourrait être un symptôme et un symbole de son enthousiasme artistique face à la question de l’origine nationale. »

Avec cette exposition, Curt Schweicher approfondit une fois de plus l'esprit fondateur des habitants de Leverkusen, l’utilisation du musée comme un signe contre la barbarie des nationaux-socialistes et leur suppression de l'art moderne. La vente d’œuvres d’art provenant de musées publics et la pression propagandiste et finalement physique exercée sur les artistes, les collectionneurs et le personnel des musées, qui ont entraîné la perte de biens culturels exceptionnels ainsi que l’expatriation et l‘assassinat d’artistes : le musée Morsbroich est un rempart contre la dictature, ceux qui l’ont incarnée et qui ont également méprisé l’homme et l’art.

2. Udo Kultermann (de 1959 à 1964)

« Le musée Morsbroich veut rendre à l'art la place qu’il avait depuis longtemps perdue au sein de la communauté, ce qui revient à démolir les murs du musée. Car il est absurde de croire qu’un musée n‘existe que pour lui-même ; il a plutôt des fonctions identifiables au sein de la communauté. L'art n'est pas seulement là pour l'art. Du point de vue de l’art contemporain, qui doit être libéré du chaos de l’absence d’art, qui est aussi un art, Morsbroich veut essayer de rendre efficace une nouvelle responsabilité pour l’ordre et l’harmonie, de nouvelles lois et normes, une nouvelle dynamique et un nouveau rythme à travers les œuvres de jeunes artistes ainsi que pour tous ceux qui sont également intéressés par l'harmonisation de l'homme et de son environnement, des personnes entre elles et de leur interaction avec le cosmos. Il s’agit ici, comme dans les sphères sociales et politiques, de dépasser les frontières solidifiées, de dépasser les obstacles entre ces divers domaines, de réintégrer l’art dans la réalité de nos événements quotidiens. »

Au cours des cinq années de sa direction (1959-1964), Kultermann a montré, entre autres, à l'architecte, artiste et designer suisse Max Bill, qui, en tant qu'enseignant à la Haute école d'arts appliqués de Zurich et l'un des fondateurs de la Ulmer Hochschule für Gestaltung (École supérieure de design d'Ulm), plaida en faveur d’un statut de l‘artiste politiquement et socialement illimité. - L'exposition légendaire « Monochrome Malerei » (Peinture monochrome), avec laquelle Udo Kultermann présenta pour la première fois le concept d'un « art naïf » au printemps 1960, était « l'expression indicative d'une vision de notre société qui se projette au-delà de l'art ».  Et l’artiste frontalier Lucio Fontana, qu'Udo Kultermann mit à l‘honneur du 12 janvier au 4 mars 1962 en présentant la plus grande rétrospective de son œuvre au musée Morsbroich.

Il présenta en outre « Roberto Crippa » (1960), l'exposition « Ad Reinhardt, New York, - Francesco Lo Savio, Rom, - Jef Verheyen, Antwerpen » (New York, Rome, Anvers) ; En 1961, il présenta une exposition sur « l'architecture mobile » organisée par Yona Friedman. La même année, il organisa les « Morsbroicher Kunsstage » (Journées de l'art de Morsbroich) interdisciplinaires avec la participation de Theodor W. Adorno, Max Bense, Otto Mauer, Umbro Appollo-nio, Heinz-Klaus Metzger, la danseuse Kaluza, Frei Otto, Norbert Kricke, Gerhard v. Chr. Graevenitz et Helmut Heissenbüttel, Franz Mon et Hans G. Helms. En 1962, il présenta pour la première fois après la Seconde Guerre mondiale, la grande rétrospective sur Kasimir Malevich, initiée par le Stedelijk Museum d‘Amsterdam, avec laquelle l‘œuvre du suprématiste russe fut rendue à la conscience d'un public plus large. En 1962, Kultermann organisa une grande exposition sur le constructivisme et il présenta en 1963 « Die gläserne Kette. Visionäre Architekten aus dem Kreis um Bruno Taut 1919–1920“, (La Chaîne de verre. Des architectures visionnaires réunis autour de Bruno Taut 1919-1920), dont la mise en œuvre lui permit d’embaucher le jeune Oswald Mathias Ungers. En 1964, alors que se profilait sa retraite, il présenta, entre autres, les dessins du réalisateur soviétique Sergei Eisenstein et, à cette occasion, endossa le rôle de critique de ses films.

Cette approche interdisciplinaire stricte qui avait pour objectif un changement fondamental de la société, a souvent suscité des incompréhensions parmi la population. Le statut extraordinaire de ce directeur ne fut pleinement reconnu que rétrospectivement.

3. Rolf Wedewer (1965 – 1995)

En 1965, Rolf Wedewer prit ses fonctions à Leverkusen de manière beaucoup plus offensive que son prédécesseur, avec pour objectif d’ouvrir le débat public le plus controversé possible. Wedewer présenta des expositions thématiques telles que « Realismus der Symptome » (Réalisme des symptômes) (1966), « Tradition und Gegenwart » (Tradition et contemporanéité) (1966), « Fetisch-Formen » (Formes fétiches) (1967) et « Fetisch Jugend. Tabu Tod » (Jeunesse fétiche. Mort tabou) en 1972. Parmi les points culminants de son exposition figurent les expositions « Konception – Conception » et « Räume – environments » (Espaces – Environnements), présentées en 1969.
Pendant le mandat de Rolf Wedewer, le château fut entièrement rénové par le célèbre architecte originaire de Cologne, Oswald Mathias Ungers (1981-1985). Wedewer profita de la réouverture pour exposer une brillante juxtaposition de sculptures égyptiennes et modernes (1986).

4. Susanne Anna et Gerhard Finckh (de 1995 à 2006)

Alors que Curt Schweicher, Udo Kultermann et Wedewer adoptaient de fortes approches programmatiques, Susanne Anna (1995-1999) et Gerhard Finckh (2000-2006) restèrent plus ouverts dans leur programme. Anna souligna ponctuellement l'importance du mouvement Informel chez Wedewer, ainsi que son intérêt pour les expositions thématiques controversées. Gerhard Finckh tenta également d'intégrer le modernisme d'après-guerre grâce à des artistes exceptionnels tels qu'Andy Warhol et Robert Motherwell et chercha à collaborer avec des collectionneurs privées (« Darlings : Bilder und Skulpturen aus privaten Sammlungen », 2001 ; « Franz von Lenbach und die Kunst heute », 2005).   (Darlings : Tableaux et sculptures provenant de collections privées, 2001 ; Franz von Lenbach et l’art aujourd‘hui), 2005). La collaboration journalistique fructueuse avec l'éditeur Alfred Neven DuMont, dont la collection de peintures de Franz von Lenbach fut exposée par Finckh en 2004 dans le cadre de l'exposition « Franz von Lenbach und die Kunst heute » (Franz von Lenbach et l’art aujourd‘hui), ainsi que la relation avec l’exposition horticole de Leverkusen, en 2005, furent particulièrement bien accueillies.

5. Markus Heinzelmann (depuis 2006)

Markus Heinzelmann dirige le musée depuis 2006. Historien de l'art ayant suivi une formation classique, il apporte avec lui des expériences de la fonction publique (Musée Sprengel de la ville de Hanovre, 1996-1999) et du secteur privé (CO Siemens AG 1999-2006). En ce qui concerne le musée Sprengel, il a organisé des expositions dans les domaines du modernisme classique et de l'art contemporain. En coopération avec des musées publics et des galeries d'art, il a réalisé pour Siemens AG des expositions thématiques sur l'art contemporain, spécialement adaptées à l'histoire et à la localisation des institutions partenaires.
Sur la base de ces expériences et qualifications, il a développé un programme distinctif spécialement conçu pour le musée Morsbroich, sur le site de Leverkusen. 

Extension des institutions de Morsbroich

L'organisation des institutions de Morsbroicher, en particulier l'interaction entre le musée et le Kunstverein (Société d’art), n'était pas satisfaisante en 2006, car l'autonomie et le profil des institutions individuelles étaient confus. Par exemple, le Kunstverein et le musée Morsbroich ont utilisé la galerie d'ateliers située dans le bâtiment annexe sud.  En raison de son utilisation partagée, il était difficile de donner au Kunstverein une image programmatique claire de son activité. À l‘inverse, les expositions du musée installées dans la galerie d‘ateliers étaient souvent attribuées par le public et destinées non au musée, mais au Kunstverein.
Par ailleurs, dans le bâtiment principal du château, la mansarde fut presque complètement abandonnée pour l'exposition, car elle servait de dépôt et était en grande partie négligée. Seules deux salles annexes et demi ont été utilisées pour la présentation d'une coupe transversale du domaine de Ludwig Gies, qui y est exposée depuis 1997 et n’a subi aucun changement.
Afin de renforcer substantiellement les deux institutions et de rendre leur présence programmatique plus reconnaissable, rendez-vous fut pris en 1997 avec le Kunstverein pour organiser un programme annuel complet dans les salles du bâtiment annexe sud. Dans le même temps, la mansarde du château fut débarrassée et rénovée. Grâce à cette extension, le musée a gagné environ 40% de la surface d’exposition, qui a depuis été utilisée comme salle dédiée à l’art graphique.
Heinzelmann put ainsi concrétiser une préoccupation centrale de sa politique muséographique : un engagement plus intense dans la collection du musée Morsbroich et sa présentation au public de Leverkusen. Depuis sa rénovation, la salle dédiée à l’art graphique a accueilli la moitié de la présentation de jeunes promotions expérimentales dans le domaine des arts graphiques, tandis que l'autre moitié de l'année, le lieu est affecté à des présentations de collections.
L’évidence fut indiscutable lors de l'inauguration de la salle dédiée au graphisme en janvier 2008, lorsque la « Meisterwerke der Grafischen Sammlung des Museum Morsbroich » (Chefs-d'œuvre de la collection graphique du musée de Morsbroich) fut présentée pendant les trois jours de l'exposition intitulée « Blattgold » (Feuille d’or). Le musée a publié un vaste catalogue documentant scientifiquement la collection graphique du musée qui complète cette exposition.
Dans le même temps, Heinzelmann a soigneusement élargi le parc du palais avec des sculptures spécifiques au site afin de permettre aux visiteurs de Leverkusen ou de la région de Morsbroich de vivre une expérience artistique « sans entrée payante ». Depuis l'année 2010, la fontaine de l'artiste danois Jeppe Hein (« Water Island Morbsroich ») offre aux enfants, adolescents, jeunes mariés, touristes et randonneurs un jeu d'eau inoubliable.
Dès le début, Heinzelmann a suivi un concept qui valorise l’emplacement de Morsbroich dans son intégralité. Les institutions résidentes telles que le Kunstverein, le musée, la boutique du musée, la salle donnant sur le jardin, le restaurant, le bureau de l'état civil, mais aussi le parc en tant que destination de loisirs devraient être synonymes de puissance une fois l’extension achevée, faisant de Morsbroich une destination attrayante pour les habitants de Leverkusen et ses visiteurs. Selon des estimations prudentes, 40 000 visiteurs se rendent chaque année dans la région de Morsbroich.

Les trois piliers du travail programmatique du musée de Morsbroich :la collection du musée ─ l'histoire du musée - le lieu comme point de départ des expositions

À côté du musée Morsbroich, les musées de villes telles que Cologne, Düsseldorf ou Essen jouissent maintenant d'un avantage écrasant en raison de leur emplacement et de leurs ressources financières toujours élevées. Par le passé, leurs responsables ont investi des sommes en comparaison plus importantes dans la construction et l’expansion de leurs collections, de leur équipement, de leurs nouveaux bâtiments, etc. Les municipalités ont mis en place des infrastructures de transport adaptées à la culture. Elles disposent de ressources développées au cours des décennies dans le domaine du marketing urbain et promeuvent d'autres offres touristiques qui soutiennent financièrement celle des musées. En outre, les habitants de ces villes ont une image d’eux-mêmes plus prononcée en tant que citoyens de leur ville et se tournent plus activement vers les points de cristallisation possibles de la confiance en soi urbaine, de la fierté civique et de l'identification.
Compte tenu du fait qu'il sera difficile de remédier dans un avenir proche au portefeuille d'investissements par rapport à des municipalités comparables ou plus grandes que Leverkusen, Heinzelmann a dès le début de son mandat insisté sur la particularité de Morsbroich. Morsbroich est historiquement (les preuves de son existence remontent à 1220), architecturalement (avec des bâtiments dont la création va du 17ème au 19ème siècle) et de par l’histoire de l’art qui le caractérise, un lieu exceptionnel situé près de la ville encore jeune qu’est Leverkusen. C’est ici que se réunit la société civile pour honorer ou célébrer l’importance urbaine et pour s’assurer d’une offre muséographique spéciale, avec son histoire et ses particularités. Les habitants de Leverkusen ne considèrent pas Morsbroich comme une simple partie de leur ville, il n’y a donc aucune rivalité profonde entre les diverses municipalités.

À Morsbroich, il n’est pas possible de réaliser des « White-Cube-Ausstellungen » (Expositions de cube blanc) classiques (expositions dans une salle neutre spécialement construite à cet effet). De plus, les salles baroques avec leurs fenêtres à claire voie, les plafonds en stuc et les nombreuses ouvertures de portes manquent d’une certaine retenue. C'est pourquoi le musée Morsbroich propose un concept axé sur des expositions mettant particulièrement l'accent sur le lieu de l'exposition, en termes d‘argument de vente unique : autant d'expositions que possible doivent être présentées exclusivement à Leverkusen ou, du moins, particulièrement à Leverkusen.
Environ la moitié des expositions présentées à Morsbroich depuis 2006 se réfèrent donc explicitement au site en tant qu’espace architectural ou social, à l’histoire du musée et à ses liens avec des artistes spécifiques, ou directement à la collection qu’abrite le bâtiment.

1. Le lieu comme point de départ pour des expositions

Le château sert régulièrement de point de départ pour le musée et ses expositions thématiques.  L’histoire privilégiée du bâtiment et de ses habitants ainsi que son architecture, le caractère unique de la situation de Leverkusen sont mis à l'honneur par ses responsables : on rencontre un bâtiment où foisonnent un caractère, des expériences et des particularités qui sont à même de répondre aux besoins de la population et permettent aux habitants et visiteurs de la ville de se rencontrer dans un lieu où se mélangent l’art et l‘histoire.

Exemples:
• Personal Affairs. Neue Formen der Intimität (2006)
• Ann Veronica Janssens. An den Frühling (2007)
• PROJECTS: DONE. Eine Ausstellung von Candida Höfer mit Kuehn Malvezzi (2009)
• Frauenzimmer (2011)
• Rosemarie Trockel / Paloma Varga Weisz. Maison de Plaisance (2012)
• Zeitgespenster. Erscheinungen des Übernatürlichen in der zeitgenössischen Kunst (2012/2013)
• Thomas Grünfeld – homey. Werke von 1981 bis 2013 (2013)
• Zilla Leutenegger. 13 Räume – Eine Biografie in Kleidern (2013/2014)
• Jäger & Sammler in der zeitgenössischen Kunst (2014)
• Jana Gunstheimer (2015/2016)

3. La collection comme point de départ pour des expositions / expositions de collections

Bien que la ville de Leverkusen suspende l’acquisition du musée Morsbroich depuis 2004, sa propre collection est souvent au centre des activités d’exposition. Avec environ 600 œuvres dans le domaine de la peinture et de la sculpture et 4 000 œuvres graphiques, c’est une collection relativement modeste. En plus des présentations classiques uniques et des expositions récapitulatives, le musée est axé sur des thèmes particuliers comme par exemple la magie en tant qu'élément de jonction des objets de collection ou le traitement de la collection par des artistes tels que Jan Albers et Jens Ullrich.

Exemples:
• VIP III. Arena der Abstraktion (2006)
• Blattgold. Meisterwerke der grafischen Sammlung des Museum Morsbroich (2008) und Georg Baselitz (2008)
• Jan Albers & Jens Ullrich: Kollekte (2009)
• Alfred Hrdlicka. Wie ein Totentanz (2010)
• Fred Sandback. Zeichnung, die man bewohnen kann (2011)
• Hans Salentin. Collagen mit Papier und Metall (2013)
• Eine Handvoll Erde aus dem Paradies. Magische Objekte aus dem Museum Morsbroich (2013/2014)
• Blinky Palermo. Das Grafische Werk (2014/2015)
• Le musée Morsbroich entretient par ailleurs une coopération exemplaire avec la Wiesdorfer Christuskirche de Leverkusen, qui a rendu accessibles les expositions de 2011 et 2014 des œuvres de Rudolf Schoofs et Franz Hitzler, issues de la collection du musée de la population de Leverkusen (Museum der Leverkusener Bevölkerung).

4. L'histoire du musée comme point de départ pour des expositions

La mission première du musée de Morsbroich en 1951 était « d’organiser des expositions permanentes d’artistes vivants ». Cependant, après plus de 60 ans d’exposition ininterrompue, il est clair que le musée a abrité une multitude d’expositions dont la portée est historique. Le musée commémore aujourd’hui cette histoire, non seulement pour mettre en valeur le statut de la ville en tant que symbole culturel de l'innovation et du progrès, mais également pour élaborer l'élan de Leverkusen pour l’art contemporain.

Exemples :
• Le théâtre est dans la rue. Les happenings de Wolf Vostell (2010)
• Keramische Räume. Lucio Fontana, Norbert Prangenberg, Thomas Schütte, Rosemarie Trockel, Markus Karstieß (2014)
• More Konzeption Conception Now (2015)

Le programme de Morsbroich vu par les autres
Avec son modèle axé sur trois piliers, le musée Morsbroich s‘attaque en détail à sa propre collection, au site en tant que point de référence architectural et social et de son histoire. Le Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a reconnu cette approche dès 2009 dans un article de plusieurs pages sur la question du traitement contemporain des collections (12/12/2009). Sous la rubrique « Zwischen Wunderkammer und Mausoleum » (Entre cabinet de curiosité et mausolée), l'auteur a exposé le problème : « Le critère de succès et l'argument en faveur d'une aide de l'État est et reste le nombre de visiteurs. Quand il diminue, que la collecte stagne et que les anciennes collections ne peuvent être ni vues ni restaurées, le musée est transformé en un mausolée. (...) Ne vaudrait-il pas mieux, au lieu d‘ investir dans de nouveaux bâtiments spectaculaires et des événements éphémères, préserver les vieux musées partiellement en ruine, avec leurs collections et leurs bibliothèques ?  Quelles solutions peut-on préconiser ? »
L'auteur mentionne trois institutions et un réseau en Allemagne qui traitent de manière idéale ces problèmes, le Städel Museum de Francfort, le Staatliche Museen zu Berlin et le Ruhrkunstmuseen qui font partie d’une union composée au total de 20 musées et du musée Morsbroich de Leverkusen : « Quelques directeurs de musées expérimentés démontrent de quelle manière cela pourrait fonctionner. Markus Heinzelmann, par exemple, crée des ponts significatifs entre des œuvres d'art contemporaines et des œuvres issues de sa collection personnelle et de musées lors d'expositions temporaires et a convaincu le jury du Kunstkritikerverband (Association internationale des critiques d’art), qui a élu le musée de Morsbroich (près de Leverkusen) Musée de l’année 2009 «

Distinctions et prix
La qualité des expositions et le traitement spécial de la collection, l‘emplacement et l'histoire de Morsbroich ont suscité beaucoup d'attention au niveau national. Pour la première fois en plus de 60 ans, le musée de Leverkusen et le travail qui y est effectué, a reçu de nombreuses distinctions au cours des dernières années.

1. Exposition de l’année dans la région Rhénanie du nord-Westphalie en 2008
La distinction remise au titre de l'Exposition de l'année (WamS), décernée chaque année par un jury d'experts de haut niveau, est considéré comme le prix le plus important attribué aux musées de la région Rhénanie du Nord-Westphalie. En 2008, l'exposition organisée par Markus Heinzelmann, Gerhard Richter. „Übermalte Fotografien“ (Gerhard Richter. Photographies repeintes) a été élue Exposition de l'année. Elle a été organisée en étroite collaboration avec l'artiste vivant à Cologne et a présenté un total de 500 œuvres exposées, avec un genre jusqu'alors presque inconnu dans l'œuvre de Gerhard Richter. La coopération avec le musée Ludwig de Cologne a été révolutionnaire dans ce contexte. Le musée Morsbroich et le musée Ludwig avaient convenu au préalable de synchroniser leurs deux expositions lors de cette exposition - à Cologne, Richter a présenté une rétrospective complète de son œuvre - afin que la presse puisse y prendre part et que le marketing qui en a découlé puisse profiter aux uns comme aux autres.

2. Musée de l’année en Allemagne en 2009
En 2009, le Musée Morsbroich a été élu « Musée de l'année en Allemagne » par le Kunstkritikerverband (Association internationale des critiques d'art (aica)). Il s’agit de la plus haute distinction qu'un musée allemand puisse recevoir. Le jury a déclaré : « En prenant pour exemple deux expositions récemment réalisées, les « Overpainted Photographs » de Gerhard Richter et « Projects: Done », une rétrospective complète avec des photographies de Candida Höfer,  a permis de faire apparaître des expositions d‘un niveau  remarquablement élevé à Leverkusen.
De façon exemplaire et malgré l’hétérogénéité de l’offre, un pont a été créé entre la collection personnelle et le programme de l’exposition, permettant ainsi au public de suivre avec la plus grande attention les courants artistiques les plus actuels tels que l’Informel, le happening et le décollage, la sculpture moderne ou la photographie nouvelle.
Le jury a été convaincu à la fois par la politique de collecte cohérente et très indépendante et par la série d'expositions de grande qualité du musée Morsbroich, accompagnées de catalogues préparés de manière scientifique. »

3. Remise du prix Justus Bier pour les conservateurs à Doreen Mende et à Markus Heinzelmann pour l'exposition « PROJECTS: DONE. Eine Ausstellung von Candida Höfer mit Kuehn Malvezzi“ (PROJECTS: DONE. Une exposition de Candida Höfer avec Kuehn Malvezzi) 2010
Le seul prix allemand récompensant les conservateurs fut attribué à Leverkusen au cours de sa deuxième année d’existence, en 2010.
« Le prix récompense les travaux de jeunes conservateurs originaires de pays germanophones qui ont démontré une compréhension particulière de l'art des 20ème et 21ème siècles. Le prix est décerné pour la qualité linguistique et professionnelle exceptionnelle des textes de catalogue ou pour une performance éditoriale particulièrement réussie lors d'une production de catalogue. (...) Justus Bier (1899-1990) fut directeur de la Kestner Gesellschaft (Société Kestner) à Hanovre de 1930 à 1936. Étant juif, les nazis exigèrent à plusieurs reprises sa révocation et l‘interdiction de son programme, dédié à l'art moderne.
Justus Bier ne modifia toutefois pas son programme et ne fut pas renvoyé par le conseil d’administration de la Kestner Gesellschaft. Suite à son exposition Franz Marc en 1936, l'institut fut fermé par la Gestapo. » (Autoreprésentation)

4. Meilleur programme d’exposition dans la région Rhénanie du nord-Wesphalie 2015 (WamS)

Le musée, ambassadeur de la ville de Leverkusen

Le travail à Morsbroich est étroitement suivi et évalué par la presse régionale et surtout nationale. En raison du grand nombre de distinctions, de la réaction positive au programme profilé de Leverkusen et de la couverture dense des expositions, une image exceptionnellement positive de Leverkusen en tant que lieu d’art contemporain se développe. Morsbroich devient ainsi un lieu à ne pas sous-estimer dans la promotion du marketing urbain de la ville de Leverkusen. Alors que la couverture du site chimique de Leverkusen ou plus précisément de Leverkusen en tant que ville sportive est parfois teintée de critiques, donnant ainsi une image ambivalente, les reportages nationaux sur le musée de Morsbroich sont presque sans exception positifs.

Une recherche qualifiée sur Internet des pages publiées concernant les activités culturelles les plus célèbres de Leverkusen confirme la grande portée du musée Morsbroich en ce qui concerne la promotion marketing de la ville:

« Leverkusener Jazztage » (Journées jazz à Leverkusen) 178.000 résultats
« Museum Morsbroich » (Musée de Morsbroich) 127.000 résultats
« Sensenhammer » 36.000 résultats
« Forum Leverkusen » 32.700 résultats
« Bayer Kultur » (Culture Bayer) 15.000 résultats
« Japanischer Garten Leverkusen » (Jardin japonais de Leverkusen) 6.500 résultats
« Erholungshaus Leverkusen » (Maison de convalescence de Leverkusen) 4.800 résultats


Conclusions et perspectives

Il ne fait aucun doute que le musée Morsbroich est l’un des rares points de repère remarquables de l’identité de Leverkusen. Dans le cadre de ce que l’on nomme la KulturStadtLev (Association culturelle de la ville de Leverkusen), qui est notamment responsable de la gestion de la Gartensaal, manifestation représentative des organes démocratiques de la ville de Leverkusen, de ses habitants et du musée, elle prend en compte les différents intérêts relatifs à la mission de regroupement de Leverkusen. Le fait est qu’en 1951, les jeunes habitants de la ville dédièrent le bâtiment à l’art contemporain, avec pour objectif de guérir les blessures du national-socialisme, ce qui revêt une signification décisive et significative. C’est ainsi qu’émergea un centre unique consacré à un art expérimental et international avec lequel la ville de Leverkusen a également réussi à écrire une histoire sociale et artistique.
Malgré ses caractéristiques modestes par rapport aux autres municipalités, le musée a pu conserver sa position unique jusqu'à ce jour, permettant ainsi à la ville de Leverkusen de bénéficier d'une grande attention culturelle. Au cours des dernières années, le musée a reçu une multitude de récompenses et de prix. Le musée élargit de manière décisive l'image d'une municipalité unidimensionnelle axée sur l'industrie chimique. Au sein de la population, le musée est un lieu où l’engagement civique est remarquable, notamment grâce à un engagement bénévole très développé et à une vie associative très marquée. En outre, le Museumsverein de Morsbroich e.V. acquiert pour la ville des dons importants provenant de donateurs privés, de fondations nationales ou, par exemple, de l'État de Rhénanie du Nord-Westphalie. Le musée s'est également imposé comme institution éducative majeure au sein de la ville, lui permettant de jouer un rôle de premier plan dans la responsabilisation des habitants les plus jeunes et des adultes, en dehors du cadre scolaire.

Le musée est devenu une destination attrayante pour les habitants de Leverkusen et leurs visiteurs. Environ 40 000 visiteurs par an bénéficient d'une gamme de services très variée, allant de l‘école maternelle à l'utilisateur de fauteuil roulant, du visiteur d’exposition au gastronome en passant par la politique, les affaires et la culture.

Le traitement du patrimoine de Morsbroich constitue un projet directeur pour la viabilité future de la ville de Leverkusen. Pouvez-vous donner à la « classe créative » (Richard Florida) et à tous les habitants de cette ville une patrie qui soit crédible? Le musée de Morsbroich est le lieu où toutes les générations, sexes, catégories sociales et groupes d'intérêts peuvent se rencontrer. Il est important de donner encore plus de pouvoir à ce lieu.